Publié le 4 avril 2022

Erreurs fréquentes dans le transfert du patrimoine

Transfert du patrimoine

Chaque année, au Canada, des éléments d’actif valant des milliards de dollars sont transmis au décès. Si on veut transmettre tout ou partie de ses biens à ses héritiers, on doit s’assurer qu’ils seront dévolus aux bonnes personnes et de la bonne façon.

Malheureusement, le transfert du patrimoine n’a pas toujours lieu de la façon dont il avait été planifié. Cet article présente quelques-unes des erreurs fréquemment commises lors du transfert du patrimoine1.

Absence de testament

Une erreur élémentaire et très fréquente est l’absence de testament. En faisant un testament, vous indiquez vos dernières volontés, et dès lors c’est vous – non l’État – qui décidez de la manière dont vos biens seront distribués à votre décès. Un testament facilite l’administration de la succession et permet de réduire l’impôt. Il vous donne en outre l’occasion de désigner un ou plusieurs liquidateurs de succession et, le cas échéant, le ou les tuteurs de vos enfants mineurs. Pour en savoir davantage sur les testaments, consultez L’abc du testament (édition nationale)

Erreurs de rédaction du testament

On ne saurait trop insister sur l’importance d’un testament bien rédigé. Nous attirons votre attention sur quelques points.

Si vous envisagez de rédiger un testament à la main (testament olographe) ou à l’aide d’un formulaire (autotestament), soyez sur vos gardes. Souvent, vos instructions sont difficiles à interpréter ou ne respectent pas les exigences de la législation provinciale. Cela peut avoir pour effet de rendre le testament invalide, ou d’augmenter les frais d’administration de la succession et de retarder la distribution des biens. Un testament rédigé par un avocat ou un notaire est toujours préférable à un testament olographe et à un testament formulaire.

Dans certaines provinces (p. ex., l’Ontario), une façon d’éviter les frais d’homologation consiste à faire deux testaments, un qui devra être homologué et un (pour les biens ne nécessitant pas d’homologation) qui n’aura pas à l’être. Le recours à plusieurs testaments permet par exemple d’éviter les frais d’homologation sur les actions d’une société privée.

Si votre testament laisse trop de latitude aux exécuteurs testamentaires pour choisir le montant d’un legs à un organisme de bienfaisance, ou pour le choix de cet organisme, les bénéficiaires peuvent s’opposer au don, ce qui peut créer des tensions entre eux et le liquidateur. Cela pourrait être particulièrement vrai si le don réduit le montant de l’héritage d’un bénéficiaire ou s’il y a un désaccord au sujet des intentions philanthropiques du testateur.

Dans la plupart des provinces, le mariage a pour effet de révoquer le testament sauf si celui-ci fait mention expresse du mariage à intervenir et du futur conjoint.

Dans de nombreuses provinces, les dons et les héritages sont exclus de l’égalisation du patrimoine en cas de rupture du mariage. Dans certaines provinces, on peut également exclure le revenu provenant d’un héritage ou d’un don, par stipulation expresse dans son testament. Si tel est le cas, assurez-vous de faire les déclarations pertinentes dans votre testament. L’exclusion risque toutefois d’être compromise si le bénéficiaire ou l’héritier affecte les biens au profit de la famille ou au foyer conjugal, ou les réunit avec d’autres biens familiaux de sorte qu’ils ne peuvent plus être retracés.

Traitement inégal de bénéficiaires égaux

Souvent, quand on prévoit le partage de ses biens, on veut les répartir également entre ses bénéficiaires, par exemple entre ses trois enfants. Cependant, si on ne tient pas compte des conséquences fiscales, les parts transmises ne seront peut-être pas égales.

Supposons que vous ayez trois enfants et que vous possédiez trois biens valant un million de dollars chacun : un régime enregistré d’épargne-retraite (REER), une maison et un portefeuille de fonds communs de placement non enregistrés. Vous désignez votre aîné comme bénéficiaire de votre REER, puis, dans votre testament, vous léguez la maison au deuxième de vos enfants, et les fonds de placement au troisième. Vous croyez avoir légué un million de dollars à chacun de vos enfants, mais la part du légataire de vos fonds communs sera grevée par les impôts à payer à votre décès sur votre REER et sur vos fonds de placement2. En présumant un taux d’imposition effectif de 40 %, vos ayants droit paieront 400 000 $ d’impôts sur votre REER, en plus des impôts, que nous estimerons à 100 000 $, sur la disposition présumée des fonds communs. Votre troisième enfant ne recevra donc que 500 000 $, en comparaison de 1 million de dollars pour chacun des deux autres, ce qui ne correspond pas à vos volontés.

Points touchant le conjoint

Il est également fréquent que l’on néglige de tenir compte des conséquences fiscales d’un second mariage, d’une séparation ou d’un divorce. Supposons que vous ayez désigné votre nouveau conjoint comme bénéficiaire de votre REER ou de votre fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) pour assurer sa subsistance après votre décès, et que, par testament, vous nommiez vos enfants (peut-être issus de votre mariage précédent) comme bénéficiaires du reste de vos biens. Vous présumez que votre conjoint transférera votre REER ou votre FERR dans son REER ou son FERR et qu’il paiera l’impôt sur les retraits qu’il effectuera, le cas échéant. Mais que se passera-t-il si votre conjoint encaisse le REER ou le FERR? Dans ce cas, ce sont vos enfants qui devront payer l’impôt sur le REER ou le FERR, ce qui réduira leur héritage d’autant.

Dans ces circonstances, vous pouvez utiliser deux stratégies pour éviter une telle situation :

Le représentant légal (exécuteur) de la succession peut décider unilatéralement de déduire le montant retiré du REER ou du FERR du montant total de la succession. Cela limite le fardeau fiscal de la succession et il revient au conjoint survivant d’inclure le revenu dans sa déclaration.

Si vous avez un FERR et si le contrat le permet, envisagez de désigner votre conjoint rentier remplaçant ou copreneur 3. À votre décès, votre FERR sera transmis d’office à votre conjoint avec imposition différée, de sorte que l’impôt ne sera pas à la charge de vos ayants droit. Dans le cas d’un second mariage, si vous voulez prévoir un revenu régulier pour votre conjoint tout en vous assurant qu’à son décès le solde de votre FERR sera transmis à vos enfants, consultez Quand faut-il envisager l’option Rentier remplaçant ou avec copreneur du FERR?.

Omission de mettre à jour les désignations de bénéficiaire

Lors d’un événement marquant – comme une naissance, un décès, un mariage, une séparation ou un divorce – on songe généralement à revoir et à mettre à jour son testament en conséquence, mais on néglige de revoir ses désignations de bénéficiaire. Vous devriez revoir votre testament et vos désignations de bénéficiaire pour vous assurer qu’ils demeurent conformes à vos volontés. Il est fréquent qu’on néglige de le faire et que les tribunaux soient appelés à trancher la question.

Bénéficiaires mineurs

Il est important de tenir compte de l’âge des personnes nommées bénéficiaires. En général, le capital-décès ne peut être versé directement à un enfant mineur et doit, par conséquent, être déposé auprès du tribunal ou payé au curateur public. De plus, une fois qu’il atteint l’âge de la majorité, le mineur a droit aux fonds, sans aucune restriction.

La désignation d’un mineur comme bénéficiaire irrévocable est encore plus lourde de conséquences et devrait presque toujours être évitée. Lorsqu’on nomme un bénéficiaire irrévocable, on doit obtenir son consentement pour effectuer des opérations au titre du contrat. Cependant, un mineur ne peut donner son consentement avant d’atteindre l’âge de la majorité; dans l’intervalle, le contrat est, pour ainsi dire, gelé. En outre, comme nous l’avons indiqué plus haut, un capital-décès ne peut être versé directement à un mineur.

Si l’on veut que le capital-décès soit versé à un mineur, il est recommandé de recourir à une fiducie, pour que ce dernier reçoive les fonds au nom du mineur. On peut prévoir dans l’acte de fiducie la façon dont les fonds devront être placés et les dates auxquelles des paiements devront être effectués au profit du mineur. Si l’enfant est invalide, la fiducie pourrait être admissible au statut de « fiducie admissible pour personne handicapée » et bénéficier de taux d’imposition progressifs. Pour obtenir de plus amples renseignements sur les fiducies admissibles pour personnes handicapées, consultez le document Les fiducies d’assurance et l’option de règlement sous forme de rente.

Paiement unique à des bénéficiaires majeurs

Parfois, il n’est pas judicieux de prévoir un paiement unique à un bénéficiaire majeur. Ce pourrait être le cas s’il est financièrement irresponsable et risque de dépenser de façon inconsidérée, ou s’il est handicapé et risque de perdre son droit aux prestations d’invalidité des régimes publics. Une option de règlement sous forme de rente ou une fiducie testamentaire pourrait alors être plus appropriée. Pour obtenir de plus amples renseignements, consultez Protégez votre patrimoine après votre départ.

Omission de nommer un bénéficiaire ou désignation de ses ayants droit comme bénéficiaires

À moins que vous n’ayez une raison précise pour que vos biens fassent partie de votre succession, telle l’utilisation de pertes ou de déductions fiscales ou l’application d’instructions spéciales contenues dans le testament, il est préférable que vous nommiez un bénéficiaire directement dans un contrat, lorsque c’est possible. Si vos biens font partie de votre succession, ils pourraient être soumis aux réclamations des créanciers de celle-ci, ainsi qu’aux frais d’homologation et d’administration. De plus, si votre testament est soumis au tribunal pour homologation, il devient un document public, qui peut être consulté par tous.

Si un bénéficiaire autre que vos ayants droit est nommé au titre d’un contrat de placement souscrit auprès d’une société d’assurance (tel un contrat à fonds distincts), le capital-décès est soustrait à votre succession et, par conséquent, aux frais d’homologation (peut-être aussi à d’autres frais d’administration de la succession). Les sommes assurées sont versées directement au bénéficiaire, généralement dans les deux semaines suivant la réception de tous les documents nécessaires. En soustrayant le capital-décès à votre succession, vous pourriez en outre le mettre à l’abri des créanciers de celle-ci et des contestations de la validité de votre testament, qui peuvent retarder la distribution de vos biens de plusieurs semaines, plusieurs mois, voire plusieurs années. De plus, si votre bénéficiaire appartient à la catégorie de la famille4 ou si sa désignation est irrévocable, le contrat de placement souscrit auprès d’une société d’assurance vie sera assorti d’une protection éventuelle contre les créanciers de votre vivant.

Ajout d’un cotitulaire autre que le conjoint

Placer des biens non enregistrés en propriété conjointe avec droit de survie5 est l’un des moyens les plus répandus d’éviter l’homologation. Au décès de l’un des cotitulaires, les biens sont transmis directement au survivant sans faire partie de la succession de ce dernier. Toutefois, cette stratégie comporte des inconvénients considérables, surtout lorsque le cotitulaire ajouté n’est pas le conjoint.

Supposons que vous soyez célibataire et que vous ayez deux enfants majeurs. Votre fille demeure dans la même ville que vous, mais votre fils vit à l’autre bout du pays. Votre santé se détériore, et votre fille prend soin de vous. Pour lui faciliter la tâche, vous l’ajoutez comme cotitulaire de vos comptes bancaires et de vos comptes de placement, qui sont vos seuls éléments d’actif. Vos dernières volontés, consignées dans votre testament, sont de partager vos biens également entre vos enfants. À votre décès, les comptes sont transmis d’office à votre fille. Si votre fille n’a pas l’honnêteté de remettre les fonds dans votre succession, il ne restera rien pour votre fils, qui intentera probablement un procès. Le tribunal tentera de déterminer votre intention. S’agissait-il d’un don à votre fille ou d’un simple mandat? Voilà pourquoi il est si important que vous documentiez vos intentions pour que le tribunal puisse administrer votre succession selon vos volontés. Une autre méthode consiste à signer une procuration relative aux biens en bonne et due forme pour que votre fille puisse gérer vos affaires, sans que vous deviez l’ajouter à titre de cotitulaire.

Pour obtenir de plus amples renseignements sur les risques liés à la propriété conjointe, consultez le document Méfiez-vous de la propriété conjointe.

Reçus inutilisés de dons caritatifs

Si vous prévoyez faire un don caritatif considérable à votre décès, assurez-vous que vos ayants droit pourront utiliser la totalité du reçu. En effet, il est possible qu’un reçu pour don de bienfaisance ne puisse être utilisé en totalité, même si la limite au décès correspond à 100 % du revenu net du donateur pour l’année du décès et pour l’année précédente. Le risque d’un crédit d’impôt inutilisé pour don de bienfaisance est plus important si le don est énorme par rapport au revenu annuel du donateur et si celui-ci décède tôt au cours de l’année civile ou nomme un organisme caritatif bénéficiaire de son contrat de placement non enregistré ou de son contrat d’assurance vie. En général, la désignation d’un organisme caritatif comme bénéficiaire d’un REER ou d’un FERR ne pose pas problème, car le reçu de bienfaisance peut servir à contrebalancer l’impôt sur le revenu provenant du REER ou du FERR. De plus, si le conjoint a un revenu suffisant, il peut recourir, pendant les cinq années suivant l’année du décès, aux reçus de bienfaisance inutilisés.

Si vous craignez que des reçus de bienfaisance ne puissent être utilisés à votre décès, envisagez de faire des dons caritatifs de votre vivant et de réduire ainsi vos impôts dès maintenant.

Candidats idéals

Les particuliers qui veulent :

  • Transmettre des biens à leurs héritiers
  • S’assurer que leurs biens seront distribués selon leurs volontés
  • Éviter de commettre l’une des erreurs fréquentes exposées plus haut
Mesures à prendre

Au besoin,

  • Si vous n’avez pas de testament, faites-en rédiger un par un avocat
  • Revoyez votre plan successoral, y compris votre testament, vos désignations de bénéficiaire et vos biens détenus en copropriété, avec votre conseiller fiscal ou juridique
  • Revoyez votre testament et vos désignations de bénéficiaire régulièrement et après chaque événement marquant, pour vous assurer qu’ils correspondent encore à vos volontés, et, au besoin, modifiez-les ou mettez-les à jour

 

1 Cette stratégie de transfert du patrimoine s’applique à toutes les provinces, sauf au Québec. Pour les résidents du Québec, reportez-vous aux Erreurs fréquentes dans le transfert du patrimoine (édition québécoise). Un bon nombre des aspects décrits varient selon les provinces. Vous auriez avantage à consulter votre conseiller juridique. 2 On suppose que la maison est une résidence principale et peut, par conséquent, être transférée en franchise d’impôt. En règle générale, à moins d’un transfert en report d’impôt, la juste valeur marchande du REER doit être incluse dans la déclaration de revenus finale du défunt et être imposable dans les mains de la succession. Pour obtenir de plus amples renseignements sur l’imposition des REER et des FERR au décès, consultez le document Les REER et le FERR au décès3 La Loi de l’impôt sur le revenu ne permet pas au titulaire d’un REER de désigner un rentier successeur. 4 Dans les provinces autres que le Québec, les bénéficiaires appartenant à la catégorie de la famille sont le conjoint, les enfants, les petits-enfants et les parents du rentier. Au Québec, il s’agit du conjoint, des descendants ou des ascendants du titulaire. 5 Toutes les autres mentions de propriété conjointe signifient propriété conjointe avec dévolution aux cotitulaires. La propriété conjointe ne s’applique pas au Québec.

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