Publié le 11 avril 2022

Les risques ne manquent pas : Moment macroéconomique

Le conflit entre la Russie et l’Ukraine, la persistance d’une inflation élevée et la hausse des taux d’intérêt tant attendue par la Fed ont effrayé les investisseurs, tandis que les prix des denrées alimentaires augmentent à leur rythme le plus rapide en quatre décennies.

Les cycles de resserrement de la Fed ne sont pas tous identiques

À mesure que nous avançons dans le cycle économique et que nous nous rapprochons du resserrement des banques centrales, les comparaisons avec les cycles de resserrement précédents et la façon dont les taux des titres du Trésor y ont réagi abondent. En surface, il est facile de comparer le cycle de resserrement que nous amorçons avec ceux du passé, mais il faut savoir que les cycles de resserrement de la Fed ne sont pas tous identiques. Il est important de faire la distinction entre ceux qui se sont produits pendant un contexte macroéconomique baissier et ceux qui se sont produits pendant l’accélération de la croissance.

Par exemple, le resserrement monétaire amorcé par la Fed en 1984 et en 2004 a coïncidé avec des périodes de ralentissement de la croissance du PIB et de baisse des indices PMI. Dans le premier cas, les taux des titres du Trésor ont augmenté au début du cycle, mais sont revenus au point de départ lorsque la Fed a mis fin au resserrement. Au cours de la période de 2004 à 2006, les taux se sont négociés dans une fourchette et n’ont augmenté qu’au cours des derniers mois du cycle de resserrement d’environ deux ans.

Notre scénario de base pour 2022  présente à la fois un ralentissement de la croissance (de 5,7 % en 2021 à 4,4 % en 2022) et une baisse des indices PMI. De plus, le conflit entre la Russie et l’Ukraine présente un risque géopolitique accru et rehausse la probabilité d’un contexte de stagflation selon notre scénario de base. En bref, il ne serait pas prudent de supposer que les taux des titres du Trésor augmenteront simplement parce que la Fed est maintenant en mode de resserrement. L’histoire (et la logique économique) nous enseigne que la trajectoire de l’économie a une incidence majeure sur les taux du marché. Cela dit, si les risques de baisse liés à notre scénario de base se manifestent, nous ne verrons peut-être pas les hausses élevées des taux des titres du Trésor auxquelles beaucoup s’attendent.

Les taux des titres du Trésor n’augmentent pas toujours pendant les cycles de resserrement

Taux des titres du Trésor américain à 10 ans et indices PMI au cours du cycle de resserrement de 1984

Taux des titres du Trésor américain à 10 ans et indices PMI au cours du cycle de resserrement de 2004

L’inflation des denrées alimentaires se répercute sur la consommation personnelle

Nous soutenons depuis longtemps que le consensus sous-évaluait une hausse importante de l’inflation des denrées alimentaires et, dans la dernière publication des données de l’IPC, les prix des produits alimentaires ont augmenté à un rythme de 7,9 %, soit la plus forte hausse par rapport à l’année précédente depuis 1981. La hausse des prix des denrées alimentaires continue donc de miner la consommation personnelle aux États-Unis. En avril 2020, les dépenses alimentaires des Américains, en pourcentage des dépenses totales, ont atteint 9,4 %, un sommet depuis le début des années 1990. Mais cela était principalement dû au fait que le dénominateur de cette équation (dépenses alimentaires totales) était faible, puisque les consommateurs ne dépensaient pas beaucoup sur autre chose en raison des mesures de confinement. À 7,8 % (en janvier), ce chiffre est inférieur au sommet atteint il y a deux ans, mais reste nettement supérieur aux niveaux des vingt dernières années.

Malheureusement, les catégories de denrées alimentaires qui ont connu la plus forte inflation sont les fruits et légumes, ainsi que la viande et le poisson. Étant donné le caractère inélastique de la demande tant pour les denrées alimentaires (puisque nous devons manger) que pour l’énergie (dont nous savons que les prix ont fortement augmenté), nous considérons cela comme une taxe pour le consommateur. L’implication plus large est au bout du compte une baisse de la consommation et donc un facteur défavorable pour la demande globale et la croissance. Et si l’inflation alimentaire aux États-Unis est un frein pour le consommateur, elle est particulièrement douloureuse pour de nombreux pays émergents, où la consommation alimentaire en pourcentage des dépenses des ménages est plus élevée, ainsi que pour les pays qui dépendent plus fortement des importations pour leur alimentation. Fait important, dans tous les pays, la douloureuse inflation alimentaire creuse l’écart de revenu et met en évidence de nouvelles inégalités, un thème essentiel alors que nous intégrons les questions environnementales, sociales et de gouvernance dans notre analyse macroéconomique.

La hausse des prix des denrées alimentaires est une taxe imposée au consommateur

Augmentation des prix des denrées alimentaires et des dépenses aux États-Unis depuis 1980

L’aversion pour le risque reflète la prudence

Un indice composite d’aversion pour le risque qui mesure l’écart et la volatilité sur les marchés des titres de créance, des actions, des pays émergents et des monnaies a récemment atteint son plus haut niveau depuis avril 2020 (qui était lui-même le plus haut niveau depuis la crise financière mondiale). Plus précisément, l’aversion pour le risque global du marché est supérieure à deux écarts-types par rapport à sa moyenne à long terme. En d’autres termes, les marchés se montrent craintifs.

Avec peu de « portes de sortie » réalistes pour la désescalade dans un avenir prévisible, l’aversion pour le risque devrait rester élevée. Nous avons donc examiné le rendement de l’indice S&P 500, de l’indice MSCI Marchés émergents, du dollar américain et des taux des titres du Trésor américain à 10 ans pour avoir une idée des risques si l’aversion à leur égard devait rester élevée. En général, les résultats indiquent une baisse du rendement des actions (et une contre-performance des marchés émergents), un dollar américain plus fort ainsi qu’un recul des taux des titres du Trésor.

À ce stade, les chocs de l’offre et de la demande (réduction de l’offre mondiale de produits de base; inflation des prix des produits de base; réduction des exportations vers la région; diminution de la confiance des consommateurs et des entreprises) liés à la crise en Ukraine commencent à être bien compris. Mais nous pensons qu’un des risques macroéconomiques et de marché sous-estimés est que la confluence de l’aversion pour le risque et des sanctions (y compris « l’autosanction », par laquelle les contreparties évitent de traiter même avec des noms non sanctionnés pour éviter le risque de sanctions ultérieures) pourrait entraîner une perturbation majeure des chaînes de garanties mondiales et du financement en dollars américains. Cette évolution pourrait se transformer en un choc de financement/liquidité, ce qui nuirait davantage à la croissance économique. Même si les tensions de financement ne se manifestent pas encore dans la crise actuelle, la prudence est de mise.

Portrait de l’aversion pour le risque

Indice d’aversion pour le risque du marché

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